LA SITUATION ACTUELLE XI

 

Intelligibilité dans le bruit et surdité neurosensorielle : L’enjeu des nouvelles technologies

 

               Pour l'ingénieur Claude Shannon, un des pères fondateurs de la théorie de l'information, le bruit est défini par « tout ce que l'on ne souhaite pas, un signal indésirable et imprévisible qui s'ajoute au message codé ». Tout bruit présente une bipolarité : il sera destructif ou constructif, libérateur ou oppressant. Nous comprenons ainsi, toute la difficulté de le traiter pour un appareil auditif alors qu'il s'agit de la demande principale de nos patients.

 

           Durant de nombreuses années, les appareils n'effectuaient que très peu de dichotomie entre la parole et le bruit. Puis, les fabricants ont développé de nouveaux outils favorisant l'émergence de la parole et renforçant l'intelligibilité des malentendants dans les différentes situations d'écoute. Une réelle course technologique s’est engagée entre tous, les uns prônant des algorithmes basés sur le temps, d'autres pensant qu'une analyse du spectre fréquentiel était préférable et enfin, les derniers considérant que l’association des deux principes se rapprochait davantage du fonctionnement normal de l’oreille.

              

           Cette évolution technologique couplée à la miniaturisation des appareils auditifs et la prise de conscience des problèmes liés aux troubles auditifs ont permis d'avancer l'âge du premier appareillage. Cette tendance devrait s'accentuer avec la mise en place progressive de la réforme « 100% santé ».

 

            Cette situation actuelle XI décrit d’abord l'analyse d'un signal de parole par une oreille saine avant d’analyser les perturbations engendrées par une cochlée vieillissante et les nouvelles capacités des aides auditives dans l’optimisation de l’intelligibilité de la parole dans le bruit.

1.    L'analyse d'un signal de parole

 

               Lorsqu'un signal de parole est analysé par la cochlée, il est décomposé en différents signaux passe-bandes grâce aux filtres cochléaires. Il est toutefois indispensable de s'intéresser à l'approche temporelle des signaux pour mieux appréhender l'intelligibilité des patients. 

 

               La parole est un signal acoustique qui varie dans le temps sur au moins deux paramètres : d'une part une modulation de l'amplitude (AM) en fonction du temps causée par la succession de parties faiblement et fortement énergétiques dans la parole ; d'autre part une modulation de la fréquence (FM).

 

             Ces deux modulations temporelles sont représentées au niveau auditif par l'enveloppe temporelle (ENV) et la structure temporelle fine (TFS). D'après la littérature, ces deux indices temporels véhiculent des informations capitales pour l'intelligibilité de la parole. Les indices d'ENV seraient très importants pour l'intelligibilité dans le calme tandis que la structure temporelle fine interviendrait davantage dans les situations d'écoute plus complexes comme par exemple en présence de parole concurrente.

 

           Cette figure représente l'enveloppe temporelle (en noire) et la structure temporelle fine (en bleue) du phonème /en/ dans trois signaux passe-bande schématisant 3 filtres cochléaires extrait de Brian MOORE (2014). Il est donc capital que ce traitement de la parole se fasse sur ces deux axes pour pouvoir discriminer au mieux dans le calme et surtout dans le bruit.

 

2.    Les pertes audives neurosensorielles.

 

               Une perte auditive neurosensorielle endocochléaire (liée à une altération des cellules ciliées) ou rétrocochléaire (altération du nerf auditif), engendre une élévation des seuils auditifs liminaires et impacte la capacité des patients à percevoir les modulations temporelles. Elles auraient tendance paradoxalement à renforcer la perception des modulations d'amplitude grâce à un phénomène de recrutement de sonie notamment, c'est à dire à une élévation excessive de la sensation sonore une fois le seuil liminaire dépassé. A l'inverse, elles dégraderaient significativement la perception des modulations fréquentielles rendant alors plus difficile le traitement de la structure temporelle fine chez les malentendants. Cette constatation scientifique pourrait en partie expliquer les difficultés de codage des personnes malentendantes dans le bruit.

 

3.    Les effets de l'âge. 

 

               La majorité des patients venant en consultation, présentent une déficience auditive neurosensorielle liée au vieillissement naturel de l'oreille appelée la presbyacousie et impactant principalement les hautes fréquences. Les patients n'ont plus accès à l'intégralité des sons. Ils ne perçoivent plus correctement les sons faibles ni les consonnes, décrivant une gêne dans le brouhaha qui aurait tendance à s'intensifier avec l'âge.

 

               D'après la littérature, l'accroissement de l'âge, même sans présenter une élévation de seuils audiométriques, engendrerait à lui seul, un déficit dans la perception des modulations temporelles particulièrement dans le traitement de la structure temporelle fine ce qui pourrait expliquer en partie le manque d'intelligibilité des personnes âgées.

             Il est crucial que l'audioprothésiste utilise des tests quantitatifs et qualitatifs  dans le calme et dans le bruit pour évaluer son patient déficient auditif. En effet, deux audiogrammes très proches chez deux malentendants du même âge, ne conduiront pas à la même gêne sociale dans le bruit ni à la même attente.

 

4.    Les différents algorithmes des appareils auditifs.

 

               Les fabricants sont bien conscients de cette gêne et essaient sans cesse d'innover dans le but de faire émerger la parole pour renforcer l'intelligibilité des malentendants.  Ainsi, l'audioprothésiste doit tout mettre en œuvre pour régler au mieux les différents algorithmes et programmes des aides auditives.

 

Ø  la gestion automatique des différents programmes des aides auditives

 

               Les appareils de nouvelle génération sont capables d'analyser l'environnement sonore pour appliquer « automatiquement » des programmes spécifiques aux différentes situations d'écoute. L'audioprothésiste pourra alors jouer sur la directivité, les réducteurs de bruit, le gain, la transposition fréquentielle, dans chacun, différemment, afin de faire émerger la parole en voiture, au café et à la maison sans que le patient n'ait besoin d'intervenir.

               Au sein même du bruit, l’aide auditive détermine sa nature pour le séparer plus précisément de la parole. S’agit-il de bruits stationnaires, de vent, de bruits d’impacts, de bruits urbains, de bruits de transports, de musique… ?

 

Ø  la double compression

 

               Certaines aides auditives compressent le signal sonore avec des délais d'action variables de manière à retranscrire le plus fidèlement possible les phonèmes ou l'enveloppe du signal. D'après diverses publications,  la compression avec la priorité à l'enveloppe permettrait une meilleure compréhension dans le bruit car restituerait davantage l'enveloppe temporelle. A l'inverse, une compression avec une priorité au phonème serait quant à elle plus judicieuse dans les environnements plus calmes afin de permettre une émergence des consonnes par rapport aux voyelles.

             Connaître le mode de vie de notre patient ainsi que sa déficience auditive monaurale et stéréophonique nous aiguille dans le choix du bon appareil. Vaut-il mieux qu’il traite le son majoritairement en fréquence ou en temps.

 

 

 

Ø  La connectivité

 

               Sous l'impulsion de leurs enfants et petit-enfants, les personnes âgées sont de plus en plus connectées. Aussi, les appareils auditifs s'adaptent afin de satisfaire leurs nouveaux besoins en apportant une connexion Bluetooth avec leur smartphone. Les communications téléphoniques peuvent être reçues de façon stéréophonique dans les aides auditives et des applications leurs permettent d'être plus actifs dans les réglages, au quotidien comme le témoigne notre situation actuelle X.

                La généralisation des accessoires pour la télévision permet aux patients une retranscription stéréophonique du son directement dans les aides auditives. Ainsi, le signal est amplifié en fonction de leur perte auditive, l'écoute est stéréophonique et la réverbération de la pièce n'impacte plus l'intelligibilité du patient.

 

Conclusion :

 

           Ces études permettent d'obtenir un nouveau regard sur les difficultés des malentendants. La prise en compte future de la retranscription de la structure fine permettra probablement une meilleure compréhension dans le calme et surtout dans le bruit.

          Toutefois, la grande disparité interindividuelle présente dans ces études, rappelle à quel point chaque patient est unique. Nous ne pouvons réduire le rôle de l'audioprothésiste seulement à un régleur car il accompagne et rééduque le malentendant. Cette prise en charge globale et sur le long terme reste un élément indispensable pour la réussite de l'appareillage. Il nous parait donc fondamentale que l'appareil et l'adaptation reste indissociable pour assurer le meilleur suivi dans cet environnement technologique de plus en plus diversifié.

             En effet, l’intelligence artificielle n’apporte une réelle plus value que si l’intelligence humaine l’intègre aux caractéristiques de la déficience auditive du patient, à son environnement et ses attentes.

             L'audioprothésiste indépendant, appliqué à évaluer l'ensemble des aides auditives du marché, au niveau de leur traitement sonore en général est celui qui peut répondre le mieux à ses patients de plus en plus « acteurs » de leur santé. Il n'est attaché à aucune marque mais les connaît toutes.  

 

 

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