Audioprothésistes agréés

 

 

« Invisible », « Discret », « Miniaturisé », « Design » sont des qualificatifs largement utilisés par les médias pour décrire la plupart des produits de hautes technologies.

L’appareil auditif ne déroge pas à cette tendance, il évolue à la vitesse de la téléphonie comme vous avez pu le lire dans notre première publication. Cette seconde situation actuelle nuance, avec un an et demi de recul, les avantages des nouveautés technologiques, présente les conditions pour réussir un appareil esthétique et évoque les limites de la miniaturisation.

 

 

LA SITUATION ACTUELLE  II

 

 

La troisième génération d’aide auditive numérique, intégrant pour la première fois l’intelligence artificielle au sein du traitement sonore, se veut de plus en plus qualitative. Pourtant, des problèmes d’adaptation persistent.

 

LIMITES DES AVANCES TECHNOLOGIQUES

 

- Les microprocesseurs peuvent différencier de mieux en mieux la parole du bruit. Pour une directionnalité adaptative et une réduction syllabique du bruit optimales (cf situation actuelle I), une diminution générale des aérations est recommandée. Tous les sons incidents sont ainsi d’avantage captés par l’appareil. 

 

Mais cette contrainte technologique pose des problèmes physiologiques et acoustiques. D’une part, un conduit auditif obturé produit beaucoup plus de cérumen et risque d’entraîner  des démangeaisons causées par la moiteur permanente de l’oreille. D’autre part, le  patient risque de ne plus reconnaître sa voix car le rapport entre  retour osseux et  retour aérien est modifié.

 

Après de nombreuses expérimentations, nous avons constaté un bon équilibre entre la discrimination dans le bruit et la perception du retour de la voix à condition d’aérer l’aide auditive et d’augmenter sa profondeur d’insertion pour conserver la tonalité.

 

- La technologie « multimicrophone », conçue notamment pour améliorer l’émergence phonétique en milieu réverbérant, est présente dans la plupart des nouvelles aides auditives numériques. Pourtant, nos comparaisons entre les technologies numériques omnidirectionnelles à un microphone et directionnelles adaptatives à 2 ou 3 microphones montrent que dans les surdités légères hyper-qualitatives, les patients préfèrent le confort d’écoute du système omnidirectionnel. Ils ressentent un bruit de souffle en général très net occasionné par le second microphone apparié en fréquence ou en phase. Par contre, pour les surdités plus importantes, ce phénomène ne se ressent pas et favorise pleinement  le rapport signal sur bruit.

 

Nous devons donc rester vigilants et savoir juger si « les caractéristiques exceptionnelles » annoncées par les fabricants sont réelles et valables pour tous nos patients. Pour les rassurer, nous pouvons proposer une expérimentation d’une durée de 4 semaines.

 

Nous devons de la même façon respecter certaines règles pour réussir un appareillage discret. Véritable argument marketing qui répond à un désir d’esthétique, il est souvent mis en avant par des publicités alléchantes parfois mensongères et doit être conseillé si toutes les conditions sont  réunies.

 

 

Conditions pour réussir un appareillage esthétique ET LIMITES DE LA MINIATURISATION

 

Notre rôle est de détecter les incompatibilités anatomiques et d’avertir nos patients des difficultés que nous pourrions rencontrer en les appareillant ainsi.

 

- Le conduit auditif externe

 

Il doit être assez gros, sain, avec un départ éloigné et un tragus marqué pour que l’appareil soit très esthétique. S’il est droit et dirigé vers le haut, il faut s’attendre à des problèmes de stabilité notamment à la mastication. Nous réalisons alors un sablage de la  coque pour la rendre rugueuse et améliorer ainsi sa tenue. Une petite patte anti-recul permet en dernier recours un bon maintien.

 

La cavité entre le tragus et l’anti-tragus ou échancrure est souvent un paramètre indispensable pour assurer la stabilité. Une échancrure marquée et étroite bloque l’appareillage ; mais trop prononcée, elle rend l’intra-conduit classique moins confortable, diminue l’efficacité de l’aération, favorise le larsen et complique les manipulations.

 

La géométrie du C.A.E. détermine la tolérance physique et influence le calcul du gain prothétique. Un conduit tortueux, étranglé et anguleux nécessite plus d’amplification qu’un conduit conique, gros et rectiligne. Les réflexions acoustiques étant plus importantes, la déperdition sonore augmente et le patient se plaint souvent de résonance ou d’autophonation due aux artéfacts acoustiques.

 

Lors de l’appareillage interne l’acoustique est primordiale : la longueur apporte souvent la puissance [cf fig. 2] et l’aération la tonalité [cf fig. 1]. Ainsi, dans le cas de conduits auditifs étroits ou ostéomateux, on hésite souvent à  faire une coque courte peu aérée ou plus longue très aérée, afin de compenser le volume réduit de la cavité résiduelle. Il faut corriger la balance de tonalité en apportant des aigus, soit en diminuant la longueur, soit en augmentant l’aération.

 

De même, l’amplitude des déplacements de l’articulation temporo-maxillaire est capitale pour juger de la mobilité et prévoir une amplification anormale des bruits de la mastication. La pression interne dans le conduit auditif due aux variations de son volume à la mastication ne se dissipe plus de la même façon. L’appareil faisant obstacle, une partie de cette pression mécanique fait vibrer le tympan.

 

Pour un même C.A.E., l’embout d’un contour d’oreille offre plus de possibilités acoustiques que la coque d’un intra-auriculaire. Nous devons tenir compte de cette contrainte lors de la confection d’un intra-conduit ou d’un intra-canalaire et savoir dans quels types de surdité elle est acceptable. Un essai de coque nue est indispensable pour vérifier la stabilité, la position de l’électronique dans l’oreille, l’absence de gêne physique et les paramètres acoustiques.

 

 

 

 

 

Influence du diamètre de l’évent sur la tonalité [fig. 1]

 

 

 

Influence de la profondeur d’insertion sur la tonalité et la puissance [fig. 2]

 

 

 

- La déficience auditive

 

Une surdité légère qualitative avec chute importante sur les fréquences aiguës impose des paramètres prothétiques stricts. Le contour d’oreille associant indépendamment une correction acoustique et électronique répond plus à ces impératifs. L’intra-conduit rivalise en terme de performances acoustiques à condition d’avoir un conduit auditif gros permettant une large aération.

 

Les surdités à faible déséquilibre fréquentiel, à pente inversée ou en « cuillère » demandent une aération du conduit moins importante. L’intra-canalaire peut alors être plus performant que le contour d’oreille car il conserve l’effet directionnel du pavillon, la focalisation sonore de la conque et limite l’amplification du vent grâce aux reliefs de l’oreille externe. En outre, plus on se rapproche du tympan et plus la qualité sonore s’améliore car les réflexions acoustiques diminuent.

 

L’importance de la déficience nous contraint à nous orienter vers certains types d’appareillage. Une électronique miniaturisée possède des transducteurs limités en puissance acoustique. En règle générale, les intra-conduits classiques ou canalaires corrigent des surdités de perception ou de transmission légères à moyennes (3ème degré). Mais nous devons toujours prévoir «une réserve de gain» pour assurer un bon suivi prothétique.

 

 

- Le patient

 

Cette analyse objective pré-prothétique limite les indications de l’appareillage miniaturisé mais la connaissance du patient est aussi déterminante : son âge, sa dextérité, son acuité visuelle, son mode de vie, son souhait et sa gêne. Une même amplification prothétique peut corriger des déficiences auditives différentes.

 

L’ancienneté de la privation auditive sensorielle, les mécanismes de suppléance mentale, la compensation psycho-acoustique, les facultés cognitives et mnésiques rendent l’appareillage toujours différent et parfois surprenant.

 

 

ConCLUSION

 

 

L’adaptation audioprothétique repose sur l’association de deux corrections sonores. La première, le traitement électronique du son, ne cesse d’évoluer en capacité, en vitesse d’analyse et en miniaturisation. Elle fixe la perception externe du patient et apporte les performances auditives. La seconde, la partie acoustique, solutionne les problèmes de perception interne du patient (voix, respiration, mastication ...) et apporte le confort.

 

 

Nous n’insisterons jamais assez sur l’importance que revêt la correction acoustique dans l’appareillage. En effet, même avec une électronique dernière génération, toujours plus sélective, l’appareillage esthétique est accepté par le patient que lorsque ces deux composantes sont équilibrées. L’anatomie du conduit auditif doit donc permettre des modifications sur les paramètres acoustiques de l’audioprothèse.

 

 

Jusqu’à présent les méthodes de réglage de l’électronique très sophistiquées contrastent avec « l’empirisme contrôlé » de l’acoustique. Mais de plus en plus de concepts commencent à la rationaliser ; l’audiométrie in-vivo  par exemple mesure l’influence de l’embout ou de la coque sur la courbe de résonance de la cavité résiduelle. Demain, la confection artisanale d’une coque selon l’empreinte et la contre-empreinte sera révolue. Les moulages seront scannés lors de l’otoscopie et la fabrication robotisée. Nous adapterons virtuellement plusieurs types d’appareillage et calculerons « l’acoustique idéale » en fonction de la cavité résiduelle.