Audioprothésistes Diplômés d'Etat

 

LA SITUATION ACTUELLE V

 

 

Les avancées technologiques dans le traitement sonore de l’appareil auditif

 

 

 

La prise en charge du patient déficient auditif a évolué depuis ces 20 dernières années. Précédemment, le suivi prothétique était surtout basé sur la mesure du gain et la sensation subjective de l’acuité auditive. Aujourd’hui, la réhabilitation auditive prend en considération la dynamique sensorielle et réserve une place toute particulière à la phonétique. La comparaison chez un même patient, de l’efficacité audioprothétique avec une technologie analogique jusqu’en mai 1996 et après, avec un système numérique, confirme souvent une amélioration sensible des performances. L’audioprothésiste doit donc s’appuyer sur des bases solides liées à son expérience durant l’orientation prothétique, mais aussi remettre en question son savoir et l’actualiser en regard des avancées technologiques.

 

Dans la situation actuelle n° IV, nous traitions des différents types d’appareillage disponibles en fonction de la perte auditive, du type de conduit auditif et de la dextérité du patient évoquant l’idée que cette orientation audioprothétique était un compromis entre ces 3 axes. Au fils de cette situation actuelle n° V, nous évoquerons les différentes évolutions technologiques contenues dans les aides auditives les plus récentes. Comment ces nouveaux algorithmes peuvent améliorer la qualité d’écoute, l’intelligibilité et la discrimination dans le bruit ?

 

Nous commencerons par détailler le transfert fréquentiel, très utile pour la surdité avec une chute brusque sur les fréquences aiguës. Nous poursuivrons en expliquant une technologie connue du grand public dans la téléphonie et intégrée maintenant à l’appareil auditif : la liaison Bluetooth. Enfin, toujours dans cette volonté de favoriser au maximum l’intelligibilité en milieu bruyant, nous nous attarderons sur les débruiteurs, les expanseurs et les algorithmes qui gèrent la directivité variable des microphones suivant l’environnement.

 

 

Le transfert fréquentiel

 

Il comporte de légères différences selon les marques et les types d’appareils utilisés, mais il a un principe de base commun. En effet, grâce à leur vitesse de calcul de plus en plus rapide, les aides auditives peuvent désormais déplacer une zone fréquentielle aiguë non perçue vers une région adjacente mieux conservée où survivent des cellules ciliées internes et probablement externes. Ce déplacement peut s’effectuer de différentes façons : soit en décalant d’une octave la zone fréquentielle déterminée, soit en la comprimant. Ce pseudo élargissement « de la bande passante auditive » du patient, permet de redécouvrir certaines structures très aiguës des consonnes, les chants d’oiseaux, la sonnerie d’un téléphone, une sonnette ou les notes d’un instrument de musique.

     

Il restaure une forme de tonotopie grâce aux fibres auditives adjacentes et à la plasticité cérébrale, améliorant souvent la discrimination de la parole en milieux calmes et bruyants.

 

Cet algorithme revêt un autre avantage dans la prise en charge de l’hyperacousique. En effet, il facilite l’adaptation et la rééducation prothétique dans le cas de dynamique aiguë étroite. Lors du suivi, le transfert fréquentiel est réduit progressivement pour que le patient s’habitue à « la nouvelle charge de travail » sur les hautes fréquences.

 

 

 

 

 

Région aiguë

comprimée

 et décalée

 
 

 

 

 

 

 

 

 

 


Ci-contre, à gauche le principe et à droite la zone bleutée schématise la plage d’application du transfert fréquentiel.

           

Actuellement, le transfert fréquentiel n’a prouvé son efficacité que chez la moitié des patients qui l’ont essayé en raison de leur capacité à « reconstituer » la façon dont les sons aigus sont perçus quand ils sont décalés dans d’autres zones de fréquences.

 

Quoiqu’il en soit, ces deux procédés déforment le signal de base. Il faut choisir la méthode de transfert la plus adaptée au patient. Il convient ensuite de régler les paramètres du transfert fréquentiel en fonction de l’audiométrie tonale et vocale du patient et de faire évoluer ces paramètres dans le temps pour suivre sa réhabilitation auditive.

 

 

Le Bluetooth       

 

Cette technique est un système de communication sans fil de courte portée.

 

Sa particularité est de pouvoir :

 

- transmettre la parole en stéréophonie, par exemple pour l’écoute au téléphone,

- améliorer la clarté du signal en jouant sur le rapport signal/bruit, via l’entrée directe de la source utile : téléphone, télévision…

                       

 

La communication inter appareils

 

Les appareils auditifs utilisent également les systèmes de communication sans fil pour échanger des informations.

 

Cet échange revêt tout d’abord un avantage pratique. La modification du volume sur une aide auditive, par le patient, pourra automatiquement être répercutée sur l'appareil controlatéral. On évite ainsi tout déséquilibre lié à une mauvaise manipulation du potentiomètre.  

 

Ensuite, la mise en commun des informations par les appareils contribue à réduire l’effet larsen mieux identifié par l'appairage des deux aides auditives.

 

Enfin l’enjeu majeur consiste à améliorer la binauralité. Il s’agit d’équilibrer le plus finement possible les deux côtés, pour permettre la stéréophonie ; sans oublier de conserver les différences (d’intensité par exemple) exploitées par les centres nerveux pour identifier et se focaliser sur une source. L’idée est donc de demander aux deux appareils de réunir leurs informations pour analyser plus finement la scène auditive et de travailler ensemble pour fournir la réponse adaptée à la situation.

 

Il  ne suffit pas d’améliorer l’audibilité des sons dans les fréquences lésées, il faut aussi prendre en compte la difficulté associée à discriminer le signal utile du bruit.

 

 

Les débruiteurs

 

La majorité des aides auditives utilisées actuellement comportent des systèmes de réduction de bruit, avec une idée de base : réduire le bruit sans altérer le signal de parole.

 

Le premier écueil consiste à identifier de manière correcte le signal utile : les dernières évolutions technologiques permettent aux appareils de mieux reconnaître la parole, principalement via une analyse des fluctuations de l’intensité. Il s’agit ensuite de venir réduire le bruit (que ce soit un bruit stationnaire ou un bruit fluctuant de type cocktail party) dans les zones de silence de la parole. Plus la puce de l’appareil est performante (en rapidité et en précision d’analyse) plus ce nettoyage du signal sera efficace.

 

Les derniers systèmes de réduction de bruit s’attachent à conserver l’intégrité de l’enveloppe spectrale de la parole, tout en combinant la réduction du bruit et l’expansion de certains segments du signal de parole. Ajoutons que les débruiteurs fonctionnent différemment suivant les marques d’appareils auditifs, et qu’il est possible d’en adapter l’intensité selon les besoins du patient.

 

Malgré toutes ces avancées, les débruiteurs restent encore avant tout un outil de confort, et c’est en ce sens là qu’ils facilitent l’écoute dans le bruit.

       

 

Les microphones adaptatifs

 

L’utilisation des microphones directionnels existe depuis de nombreuses années en audioprothèse, et reste encore le moyen le plus efficace pour améliorer le rapport signal/bruit.

 

Depuis l’arrivée des microphones directionnels adaptatifs, au fonctionnement automatique, les fabricants d’aides auditives cherchent à rendre ces systèmes plus performants et plus polyvalents.

 

On dispose aujourd’hui de plus de fiabilité dans la reconnaissance de l’environnement sonore, et donc d’une meilleure adaptabilité de la sensibilité des microphones : pour augmenter leur focalisation ou pour orienter la zone la moins sensible vers l’origine du bruit. 

 

 

La composante temporelle de la parole

 

La majorité du travail réalisé par les aides auditives est basé sur une analyse fréquentielle de la parole. Pour résumer, on applique une amplification différente sur chaque bande de fréquences en fonction de l’audition du patient. Or, d’une part, la déficience auditive s’accompagne souvent d’une altération de la sélectivité fréquentielle. Et d’autre part, si la dynamique résiduelle du patient est très réduite (comme c’est le cas pour une perte sévère) il sera nécessaire de beaucoup compresser le signal. Plus un signal est compressé, plus on réduit ses variations d’amplitude. Mais les fluctuations lentes d’amplitude, qui constituent l’enveloppe temporelle, sont analysées par les centres nerveux lors du décodage de la parole. Il apparait donc essentiel de préserver l’enveloppe temporelle de la parole afin d’améliorer la compréhension.

 

C’est ce à quoi s’attachent certains fabricants d’appareils en innovant sur les méthodes de compression du signal.

 

La façon dont le signal vocal change avec le temps (éléments temporels), aide les personnes qui écoutent à identifier les sons de la parole et, par conséquent, à comprendre leurs significations. Désormais, certaines aides auditives sont capables de suivre les changements rapides de l'entrée de la parole. Tandis que cette vitesse rapide est favorable pour garantir audibilité et confort, elle réduit les éléments temporels disponibles au sein du signal vocal et peut rendre la compréhension de la parole plus difficile. Il est donc nécessaire d'utiliser deux stratégies temporelles, la première, rapide pour le confort et la seconde plus lente pour percevoir les éléments temporels de la parole. Il s'agit d'une sorte de "potentiomètre intelligent", couplé à une fenêtre d'analyse temporelle de la parole qui séquence le message vocal et qui serait capable de rotations importantes et rapides dans certaines situations pour favoriser le confort et de rotations plus lentes pour conserver les indices temporels (rythmique, prosodie et traits acoustiques).

 

Plus la déficience auditive augmente et plus le système central utilise les éléments temporels de la voix pour assurer son décodage.

 

 

Conclusion

 

 

La technologie numérique n’a de cesse d’évoluer depuis son introduction dans les aides auditives en 1996. La diversité des algorithmes proposés aujourd’hui permet d’améliorer considérablement la prise en charge prothétique.

 

De l’hypoacousie à l’hyperacousie, il est possible d’apporter plus de confort  et plus d’efficacité, dans le calme comme dans le bruit, à  nos patients. Au-delà de la performance améliorée, les aides auditives se font aussi de plus en plus discrètes et de plus en plus faciles d’utilisation.

 

Face à cette variété de technologies disponibles, il revient à l’audioprothésiste d’identifier lesquelles seront adaptées à la problématique de chaque patient. Il s’agit ensuite de régler les paramètres de ces technologies en fonction du bilan pré-prothétique réalisé, et de savoir les faire évoluer selon les résultats obtenus tout au long du contrôle d’efficacité prothétique pour suivre l’évolution de la réhabilitation auditive. Aujourd'hui, plus que jamais, il est nécessaire de connaître nos patients et d’anticiper leurs besoins futurs.