Audioprothésistes Diplômés d’Etat
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LA SITUATION ACTUELLE VI
L’APPAREILLAGE DU 4ème AGE
« La presbyacousie est normale. Se laisser priver d’informations sensorielles essentielles, de la compréhension qu’elles apportent ne l’est pas. C’est notre « bien vieillir » qui est en jeu »
Pr Bruno Frachet.
Pendant la période comprise entre 2000 et 2050, le pourcentage de la population mondiale âgée de 60 ans ou plus doublera (de 11% à 22%) et le nombre de personnes âgées de 80 ans ou plus sera multiplié par quatre. (OMS 2012).
Ceux qu’on appelle les séniors vont prendre une place de plus en plus importante dans notre société. Et c’est un enjeu majeur que de favoriser leur participation active et visible au sein de notre société.
Socialement on peut distinguer deux périodes de vieillesse : le troisième âge qui va environ de 60 à 80 ans ; et le quatrième âge qui vient après. Ce quatrième âge concerne souvent des personnes à mobilité réduite, affectées à divers degrés de plusieurs problèmes de santé physique ou mentale impactant directement leur autonomie.
Près
d’une personne de 65 ans sur trois est atteinte d’une perte d’audition. Non
traitées, les pertes d’audition nuisent à la communication et peuvent
contribuer à l’isolement social, à l’anxiété, à la dépression et au déclin
cognitif. Impactant directement le « bien vieillir ».
Il apparaît donc essentiel de prendre en charge les troubles auditifs des séniors. En favorisant d’une part, un appareillage « précoce » du troisième âge en prévention du vieillissement pathologique, et d’autre part, en facilitant l’accès aux aides auditives pour le quatrième âge.
Or, ce qui peut paraître comme une évidence se heurte aux chiffres de l’appareillage : En effet, suivant les études on estime qu’en France, seuls 15% à 30% des personnes appareillables sont équipées.
Et ce pour plusieurs raisons : perte auditive mal acceptée (« ce sont les autres qui parlent mal »), impact de l’appareillage sur l’image de soi, prix et remboursement, besoin de communiquer moins important, influence de l’entourage, peur…
A priori, le pourcentage de personnes appareillées ne varie pas avec l’âge. En revanche, à perte égale, la gêne ressentie diminue avec l’âge. Ceci est probablement lié à une baisse progressive des activités sociales des personnes âgées : moins je sollicite mon audition et moins je suis gêné par ma perte auditive. Mais plus la gêne ressentie diminue, moins le taux d’appareillage est grand…
Paradoxalement on estime que 84% des personnes appareillées sont satisfaites de leurs aides auditives. Mais la satisfaction diminue quand l’âge augmente…
En France, le premier dépistage se fait en moyenne à 67 ans et le premier appareillage à 72 ans. L’audioprothésiste est confronté à plusieurs questions : Faut-il appareiller ? Comment estimer la satisfaction et la réussite de l’appareillage ?
Une approche purement quantitative de ces questions pourrait se résumer ainsi : la perte d’audition est-elle suffisamment importante ; la perte d’audition n’est-elle pas trop importante ? Le gain prothétique est-il suffisant ?
Heureusement, l’approche quantitative de l’appareillage est bien trop limitée. Chaque patient est différent. Le grand âge (et les difficultés qui y sont associées) est un facteur clef à prendre en compte pour favoriser l’appareillage. Il s’agit d’adapter la prise en charge des personnes très âgées pour casser un cercle de « non appareillage » : refus d’essayer des aides auditives, échec de l’appareillage, et appareils dans le tiroir…
Concernant l’appareillage du quatrième âge, on est souvent confronté à une décision d’appareillage reportée.
Ceci a plusieurs conséquences : sur un plan purement auditif, les besoins ne sont pas les mêmes ; et plus globalement l’adaptation et l’intégration des aides auditives dans le quotidien du patient risquent d’être rendues difficile par la dégradation de son état de santé général.
D’un point de vue strictement physiologique, on assiste à une aggravation de la presbyacousie. Cette dernière peut être de quatre types :
- sensorielle (baisse du nombre de cellules ciliées),
- nerveuse (diminution de la population neuronale),
- métabolique (atrophie de la strie vasculaire),
- et mécanique (altération des propriétés mécaniques de la cochlée).
Par ailleurs, avec la détérioration des seuils on assiste à une diminution de la sélectivité fréquentielle avec un élargissement des filtres auditifs de la cochlée. De même plus l’âge et la perte avancent et moins les structures temporelles fines de la parole sont exploitées, au profit de l’enveloppe de la parole.
Avec l’âge, la probabilité que la presbyacousie soit associée à un trouble auditif central augmente. Un tel trouble diminue à la fois l’utilisation, la performance et la satisfaction de l’appareillage. Cependant la diversité des types de troubles centraux est telle qu’il n’y a pas de consensus au sein de la communauté scientifique sur l’intérêt de l’appareillage de ces pertes. Il s’agit plutôt de traiter au cas par cas. Ce qui est sûr c’est que la présence d’un trouble auditif central ne doit pas empêcher l’appareillage, mais elle peut expliquer des résultats mitigés et le choix d’un appareillage en mono ou stéréophonie.
Conjointement, certaines formes de troubles centraux seraient à l’origine de difficultés de discrimination dans le bruit. Plus le patient est âgé, plus la durée de déprivation est importante et plus il aura besoin d’un rapport signal/bruit favorable.
Ces facteurs sont à prendre en compte lors de la décision d’appareillage selon plusieurs axes :
- quel type d’amplification doit être privilégié (ou faut-il chercher à exploiter l’enveloppe de la parole) ?
- quelle importance vont avoir les systèmes d’émergence de la parole (pour améliorer le rapport signal/bruit) ?
- combien de canaux doit comporter l’aide auditive en regard de l’élargissement des bandes critiques de la cochlée ?
Les solutions des centres de surdité Rive Droite, Libournais et Alouette dans l’accompagnement du 4ème âge.
Equipe, protocole et accès :
- Une équipe de 6 audioprothésistes, 2 assistantes, 3 secrétaires et 2 techniciens est au service des patients malentendants du lundi matin au samedi soir, toute l’année.
- Nous réalisons des expérimentations de 4 à 6 semaines pour que les patients analysent l’apport audioprothétique dans leur quotidien.
- Un parking et un ascenseur sont à disposition des ambulanciers et accompagnants pour conduire les patients. Nos cabines insonorisées permettent l’accès aux fauteuils roulants.
L’Embout :
- Nous réalisons tous les embouts sur-mesure, les adaptons ensuite à nos patients et les transformons en temps réel avec eux, au mieux suivant la dextérité.
- Nous expérimentons 4 types de matière (dure, souple, semi-souple et thermoformable) suivant la finesse de la peau, l’anatomie, la stabilité et leur dextérité.
- Nous réalisons à Bordeaux, Libourne et Pessac 3 types de traitement de surface.
L’appareil :
Il peut être
- rechargeable afin de limiter les manipulations,
- communicant afin de renforcer la stéréophonie et de relier sans fil l’aide auditive à une source sonore externe (TV…),
- sensible soit à l’aspect fréquentiel ou à l’enveloppe de la parole suivant la problématique auditive et le pouvoir de discrimination du patient,
- conçu avec une pile plus ou moins grosse suivant la dextérité,
- « intelligent » et ainsi parler pour assister notre patient.
Influence de l’état de santé général : le suivi et l’équipe pluridisciplinaire.
On l’a vu, l’entrée dans le quatrième âge se défini plus par une accumulation de problèmes de santé que par un âge fixe.
Une personne de plus de 85 ans sur cinq souffre de graves altérations de ses facultés mentales, d’altération des cartilages et du squelette, d’hypertension artérielle…
La peur, par anticipation des complications que pourrait entraîner l’appareillage, constitue un des freins majeurs à l’appareillage du quatrième âge.
Il est tout à fait nécessaire de prendre en compte ces complications lors du choix de l’aide auditive, et par la suite, d’accompagner le patient pour faciliter le port des appareils. En effet il est évident que la réussite de l’appareillage dépend de la faculté du patient à utiliser correctement son appareil. Car, par exemple, un mauvais positionnement de l’embout va avoir des conséquences sur toute la bande passante de l’appareil en décalant les pics de résonance et d’atténuation.
Aussi il faut se poser certaines questions :
- Le patient est il autonome ? Est t-il entouré (conjoint, famille, auxiliaires de vie) ?
- Quelle est sa capacité à mémoriser les instructions d’utilisation des aides auditives ?
- Sera t-il capable de changer les piles de ses appareils, de mettre ses aides auditives en place seul ?
Les choses s’ajoutent et ne se substituent pas.
Suivant les situations de chaque patient, c’est une équipe coordonnée et interactive qui répondra au mieux à la problématique :
- Suivi ORL
- Suivi orthophonique régulier (mémoire, LLF, aide à l’affinage des réglages),
- Suivi audioprothétique,
- Suivi du kinésithérapeute,
- Suivi du gérontologue, neurologue et infirmier.
Conclusion.
Malgré un taux de satisfaction important et un besoin grandissant, les malentendants tardent à venir vers l’appareillage auditif. Or plus l’âge du premier appareillage est élevé et plus il risque d’être rendu complexe par l’apparition de problèmes de mémoire, de vue, de dextérité...
Cette 6ème situation actuelle montre que la prise en charge audioprothétique de chaque patient est longue, personnalisée et nécessite l’intervention d’une équipe complémentaire afin de la rendre la plus performante possible. Conscients des écueils présents dans l’appareillage du 4ème âge, nous avons fait le choix d’orienter nos services vers une grande flexibilité horaire, un accueil de qualité et une réponse rapide aux problèmes qui peuvent être rencontrés tout au long de la durée de vie des aides auditives.